Soupe à la grimace
Scrogn | 8 février 2015J’étais en plein dialogue intérieur et désarroi. Du genre :
» Bon, la décision risque d’avoir des répercussions cruciales. Ça ou ça ?
Il y a du pour et du contre de chaque côté. Je pourrais opter pour…
Mais cette autre éventualité est intéressante.
Qu’est-ce que je fais ?
Il faut que j’y réfléchisse…
Ah oui ? Et tu fais quoi en ce moment, à part réfléchir ?
Euh… Je dois prendre du recul ?
Et pourquoi ne pas effectuer une fuite en avant ?
Ah ? Parce que tu connais beaucoup toi, des fuites en arrière ?
- Dans ce cas, il faut en parler à Guinness.
Hahahaha ! Et tu sais ce qu’il va te dire ?
Euh… Comme tu veux, ma chérie ?
Exactement ! «
Bref, j’angoissais devant la confection d’une soupe aux carottes ou celle de poireaux lorsque j’eus l’impression désagréable qu’un tremblement de terre faisait vibrer mon plan de travail.
Les hurlements n’ont pas tardé. Des hurlements affreux.
Justement…
En arrivant dans la salle de jeux, j’ai découvert un Crapulet découragé et un Grumpy hystérique, rouge de colère, les joues marbrées de larmes enragées.
Scrogn : Bon. Qu’est-ce qui se passe, ici ?
Crapulet : Tu nous avais demandé de ranger la salle de jeux, il y a deux jours.
Scrogn : Je constate avec horreur (au moins) que les travaux n’ont pas progressé.
Crapulet : C’est que Grumpy refuse catégoriquement que je touche à cela !
Et me désignant un amas informe de LEGO, notre aîné ricana.
Scrogn : Je vois. Mon Grumpy, tu viens avec moi.
Ainsi, je l’ai fait asseoir dans la salle à manger (nous avons une aire ouverte) pour se calmer, tandis que j’optais pour une soupe aux oignons.
Grumpy hoqueta, renifla puis gémit. Il était temps que je m’y intéresse.
Scrogn : Bon. Tu sais pourquoi tu as été puni ?
Grumpy: Oui. Parce que le Crapulet m’empêchait de réaliser mon rêve ultime. Un énorme tas de briques.
Scrogn : L’art moderne, très peu pour moi. Quand je vous demande de faire quelque chose, vous le faites et puis c’est tout.
Grumpy : Tu me voussoies maintenant ?
Scrogn : N’aggrave pas ton cas.
Tandis que j’épluchais ma citrouille, je surveillais mon dernier fiston du coin de l’oeil. La lippe boudeuse et la morve au nez semblaient me permettre une discussion musclée. Je délaissais mes courgettes pour m’asseoir à côté de mon benjamin.
Scrogn : Tu n’as rien à me dire ?
Grumpy : Si. Pardon. Et surtout, je voulais te demander pourquoi je n’ai pas eu de petit frère ou de petite sœur.
En ayant (Ã peine) l’impression de me faire avoir pour le changement de conversation, je regardais, interdite, mon puîné.
Scrogn : Ben, c’était pas faute d’essayer. Toutefois vous fîtes trois miracles, selon les médecins. J’ai bien dit « SELON LES MÉDECINS ». Et tu as cassé le moule, visiblement. Mais pourquoi voulais-tu un petit frère ou une petite sœur, au fait ? Réponds vite parce que la soupe de champignons ne se fera pas toute seule.
À ce moment précis, mon Grumpy eut le regard farouche que j’avais toujours imaginé pour « L’Enfant Grec » de Victor Hugo.
Grumpy : Pour me venger. Juste pour me venger.
Déprimée, je suis retournée à la confection de ma soupe de cresson.